Encore une excellente raison pour aller flâner du côté de Saint-Germain des Près...
L'exposition sur les chefs-d'oeuvre de verre de la petite île Vénitienne, de la renaissance au XXIe siècle attise ma curiosité et me rappelle surtout que nous y
avions passé un magnifique séjour lors de la dernière biennale de l'art contemporain.
J'avais eu beaucoup de mal à rester raisonnable dans mes achats de bijoux et avait faillit me laisser tenter par un de ces magnifiques lustres qui font la fierté
des ateliers et rivalisent d'originalité.
Toute l'histoire de cette matière fascinante, cantonnée sur l'île de Murano pour éviter les risques
d'incendies liés aux fours des verriers, est retracée au musée Maillol et nous fait voyager depuis le
Moyen-Âge jusqu'à nos jours car la Vénétie, située entre l'Orient et l'Occident, est un carrefour commercial depuis l'antiquité et a conservé les secrets des artistes byzantins et
islamistes.
Pour procéder de façon chronologique, il faut curieusement commencer la visite par l'étage, puis terminer par le rez- de-chaussée... Nous explorons la renaissance
avec cette superbe lampe décorée à l'émail, technique encore inconnue en Europe (1500-1520, Düsseldorf, Museum Kunst Palast, Glasmuseum Hentrich), ornée de feuillages, cette coupe nuptiale en
lattimo, un verre blanc opaque imitant la porceleine (1500 env. Prague, National Museum) qui permet aux peintres d'exécuter des compositions complexes et de s'inspirer de
Carpaccio par exemple.
Papes, rois et princes européens collectionnent ces verreries précieuses comme cette soucoupe bleue à fleurs, gravée
à la pointe de diamant (XVIIIe siècle, Pavie, Musei Civici di Pavia, Castello Visconteo). Cette nouvelle technique permet également de graver finement les célèbres miroirs vénitiens. C'est à
cette époque que quelques verriers émigrent vers Allemagne, l'Espagne ou l'Angleterre, malgré les menaces de mort, de bannissement et de confiscation des biens. On voit alors se développer une
production "façon de Venise" de ces verres et assiettes en cristal de grand luxe.
L'exposition nous montre ensuite de belles pièces baroques et rococo qui s'autorisent toutes les bizarreries : lampes zoomorphes, anses en forme de fleurs et
d'animaux polychromes, lampadaires, miroirs... Même les objets lithugiques se plient à la mode, tel ce calice en reticello à tige fleurie du début du XVIIIe siècle (Rome, Galleria
Nazionale d'Arte Antica, Palazzo Barberini). Les oeuvres classiques paraissent fades après celles baroques, comme l'éclectisme ou l'historicisme.
En 1797 Bonaparte met fin à la République et Venise perd son indépendance. Française puis Autrichienne, elle devient Italienne en 1866, décline... ce qui permet au
mythe de la ville romantique de naître. Le verre de Bohême, envahissant, se trouve même dans les palais vénitiens ! Les perles en verre servent de monnaie en Afrique !
Pour survivre, les verriers réinterprétent des oeuvres anciennes et se tournent vers l'art nouveau puis l'art déco qui attirent une clientèle de touristes fortunés.
Cette coupe avec trois dragons et un dauphin de la verrerie Fratelli Toso (vers 1900, Collection de Boos-Smith) illustre bien ce tournant.
Pour terminer, l'exposition retrace de façon très intéressante les rapports entretenus par Murano avec les grands artistes du XXe siècle : Fontana, Jean Arp, Jean
Cocteau, etc. et présente la nouvelle génération artistique internationale.